Call for Papers: Focales, N° 10, 2025 – Les enjeux du flou photographique à l’époque contemporaine

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Quels rôles, quelles fonctions et quelle place le flou occupe-t-il aujourd’hui dans la photographie ? Telles sont essentiellement les questions posées pour le numéro 10 de la revue Focales. Depuis le début des années 1990 au moins, le flou occupe une place prépondérante dans la production photographique, qu’elle soit à but artistique, commercial ou de reportage. En 1999, Serge Tisseron estime que « [d]epuis la fin des années quatre-vingt, la photographie floue est partout, sur les cimaises des galeries, mais aussi sur les couvertures des magazines et les affiches du métro » et, au début des années 2000, Michel Makarius affirme qu’elle s’est imposée « comme une véritable mode ». Depuis ces constats, les formes du flou se sont largement démultipliées, notamment pour des raisons techniques liées à l’évolution du numérique et du partage toujours plus important d’images sur internet.

Dès l’invention de la photographie, le flou a fait l’objet de très nombreux débats. Héritées de la peinture, la forme et la notion ne cessent de réinterroger les tensions qui se jouent tout au long de l’histoire de la photographie. Défaut technique primaire à éviter en même temps que graal artistique très convoité, le flou apparaît comme une forme multiple et complexe. Cette dualité intrinsèque – entre trivialité et distinction – le place souvent dans une position ambiguë, à cheval entre la matérialité la plus concrète de la photographie et ses aspirations les plus élevées. Au cours de l’histoire, le flou apparaît comme un concept complexe, qui évoque souvent un élément et son contraire, que ce soit dans son rapport au réel et à la mimésis, dans ses affinités bourgeoises et révolutionnaires, dans son rapport à l’amateurisme et à l’expertise, ou dans sa relation ambiguë à la vérité et au mensonge, ou à l’authenticité. Longtemps rejeté, car associé à la faute ou à une picturalité trop académique, le flou n’a acquis une réelle légitimité qu’à partir des années 1980. En 1965, Luc Boltanski accordait déjà une place prépondérante au flou dans la photographie de presse, affirmant « [c]’est par le flou que, lorsqu’elle veut tromper, la photographie composée se donne comme prise sur le vif et, par-là, comme photographie au sens plein du terme. » En 1985, Jean-Claude Lemagny donne à la forme une validité artistique car, pour lui, le flou permet de « reconnaître la qualité d’une certaine matière photographique pour elle-même ». Dès lors, la forme pourrait-elle apparaître comme un signe prépondérant du photographique dans la photographie ?

Face à ce constat, que dire aujourd’hui du flou dans la photographie ? Quelles significations endosse-t-il ? Quels usages traduit-il ? Et quelles valeurs y sont-elles associées ? Ce numéro aimerait interroger la pratique du flou dans la photographie contemporaine (depuis les années 1990) de manière large, sans se limiter à la photographie artistique mais en ouvrant la réflexion sur les pratiques amateures – notamment sur les réseaux sociaux –, journalistiques, commerciales et scientifiques. D’un point de vue technique, déjà, on peut s’interroger sur les conséquences du numérique, qui a permis à la fois une définition toujours plus nette de la photographie et un usage de plus en plus large du flou par les filtres proposés sur les téléphones portables et par Photoshop. Outre l’enregistrement de la photographie et sa retouche, le numérique a aussi radicalement transformé sa diffusion, et, a fortiori, ses usages, dont découlent de nouveaux flous, notamment dus à la réappropriation, notamment par les artistes, d’images ensuite retravaillées. Enfin, en réaction à sa dématérialisation, le retour à la matérialité de la photographie questionne également le flou : l’usage de sténopé, d’appareils-jouets, mais aussi de papiers spécifiques comme les papiers japon et fresson réactivent des flous historiquement déjà explorés.

Au-delà de la technique, quels sens donner au flou ? A-t-il un enjeu politique ? Dans la presse par exemple, comment peut-on aujourd’hui analyser la pratique du floutage et la question de l’anonymat nécessaires à certaines images ? A priori perçu comme une erreur dans une perspective scientifique – mais aussi valorisé dès la fin du xixe siècle pour la trace laissée par un mouvement en vue de son analyse – le flou a-t-il aujourd’hui une fonction particulière dans les différentes pratiques de la photographie scientifique ? Dans la photographie à but artistique, qui sont aujourd’hui les artistes prépondérants du flou, et que dire de leurs pratiques ? On pourra aussi, enfin, s’interroger sur l’évolution du rapport du flou à la peinture, dont la technique a façonné la première définition du flou au xviie siècle et qui n’a cessé, au cours de l’histoire, d’être mis en concurrence ou, du moins en relation, avec la photographie, en particulier sur la notion de flou.

Bibliographie sélective :

Pauline Martin, Le Flou et la photographie. Histoire d’une rencontre (1676-1985), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2023.

Pauline Martin dir., Flou. Une histoire photographique, Paris/Lausanne, Delpire & co/Photo Elysée, 2023.

Biagio d’Angelo et Soulages François dir., Le Flou de l’image, Paris, L’Harmattan, 2019.

François Soulages dir., Le Flou & la littérature, Paris, L’Harmattan, 2018.

Martine Beugnet, L’Attrait du flou, Crisnée, Yellow Now, « Côté cinéma/Motifs », 2017.

Michel Makarius, Une histoire du flou. Aux frontières du visible, Paris, Éditions du Félin, 2016.

Pascal Martin et François Soulages dir., Les Frontières du flou au cinéma, Paris, L’Harmattan, 2014.

Martin Pascal et François Soulages dir., Les Frontières du flou, Paris, L’Harmattan, 2013.

Marc Wellmann, Die Entdeckung der Unschärfe in Optik und Malerei, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2005.

Wolfgang Ullrich, Die Geschichte der Unschärfe, Berlin, Verlag Klaus Wagenbach, 2002.

Serge Tisseron, « Flous et modernités. Une rêverie du devenir », in Vive les modernités ! Rencontres internationales de la photographie – Arles, Arles, Actes Sud, 1999, p. 76-85.

Bertrand Rougé dir., Vagues figures, ou les promesses du flou, Pau, Publications de l’Université de Pau, 1999.

Jean-Claude Lemagny, « Le retour du flou » [1985], in L’Ombre et le temps. Essais sur la photographie comme art, Paris, Nathan, « Essais & Recherches », 1992, p. 265-270.

Modalités de soumission et calendrier

  • Les propositions de contribution (3 000 signes maximum) seront accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique (1 000 signes maximum) et devront parvenir au plus tard le 15 octobre 2023 à paulinemartin@bluewin.ch et daniele.meaux@univ-st-etienne.fr
  • Notification de l’acceptation des propositions : Fin novembre 2023
  • Envoi des articles (de 25 000 à 35 000 signes, illustrés d’au moins 4 images libres de droit) : avant le 15 avril 2024. (Les articles seront ensuite soumis à une expertise en double-aveugle)

Les auteurs suivront les consignes de rédaction consultables sur le site de la revue Focales : Consignes aux auteurs.

Lieven Gevaert Centre
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B-3000 Leuven
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